5 novembre 2012

M. le Maire

Le Collectif Roms de Deuil la Barre

- Lettre ouverte -


Le 17 octobre 2012.

Monsieur le Maire,

Nos approches de la situation des Roms étrangers installés dans notre commune diffèrent. Nous en sommes conscients.

Pourtant, en dépit des réserves que vous exprimez quant à la présence de cette population sur notre territoire, il a été possible, et non à votre insu, depuis plus de deux ans, que ces familles roumaines y vivent, que leurs enfants soient scolarisés, que des bénévoles aident à l'insertion des adultes, que la connaissance de cette population s'approfondisse, que des solutions alternatives à une organisation de l'habitat en bidonville soient recherchées (cf actions du collectif via un Blog: http://collectif-roms-dlb.blogspot.fr/), et que des compétences aient été acquises dans l'accompagnement social de ces concitoyens européens autorisés à vivre en France et qui n'y parviennent pas.

Deuil la Barre est, en quelque sorte, exemplaire : si tout ce qui y a été entrepris et envisagé, en dépit de lourdes difficultés, ne débouchait sur rien, alors nulle part en France, il n'y aurait place pour des Roms étrangers, hier encore appelés Tsiganes, dont les ancêtres se sont installés, depuis sept siècles, dans de nombreux pays d'Europe et qui ont survécu aux pires atrocités, y compris le génocide nazi. Ce peuple fait partie de notre histoire, la grande, tout comme de notre modeste histoire locale.

Nos désaccords n'ont pas empêché que la municipalité apporte un concours humanitaire réel au quotidien de ces familles. En permettant, notamment, la scolarité d'enfants (d'ailleurs réussie, aux dires des enseignants), vous avez rendu visible et possible une insertion qui, comme toujours, commence par les plus jeunes.

La distribution d’OQTF, les menaces d'expulsion qui apparaissent, à présent, à Deuil la Barre comme ailleurs, peuvent briser un élan et pourraient aggraver encore la précarité de ces familles à l'aube de l'hiver. Cela nous apparaît particulièrement cruel.

Une question ne trouve pas sa solution en la déplaçant et l'éventuelle éradication d'un bidonville ne pourrait que conduire à de nouvelles installations de fortune, n'importe où. La mise en danger des intéressés et leur désocialisation contiennent bien plus de risques pour tous, dans notre ville et les villes voisines, que si nous continuions de travailler, méthodiquement, lentement, à l'accompagnement de personnes qui ne manquent, comme nous le constatons, ni de qualités ni de courage. Si, tout comme nous, les Roms ne sont pas des saints, ils ne sont point des bandits !

Voulons-nous la simple éradication de la misère sans souci des suites à venir ? En ce temps d'aggravation des conditions de vie des plus pauvres de nos concitoyens, devrions-nous sacrifier les « mal venus », apparus dans notre pays depuis les années 1990, parce qu'ils fuient le malheur qui les submerge en Roumanie ? Allons-nous refuser de prendre notre part de la misère du monde, notre très petite part, à notre mesure ?

Monsieur le Maire, nous pensons qu'il est temps d'aller au-delà de nos divergences, sans les nier mais sans les mettre en avant. Nous ne sommes mus par aucune ambition politicienne. Nous nous refusons à instrumentaliser les Roms. Nous ne faisons de leçon à personne. Nous avons seulement conscience que si nous ne prenions pas la responsabilité d'être solidaires de ceux qui sont mal connus et mal aimés, ils seraient livrés à l'abandon, ce qui nuirait à toute notre société. Nous ne pouvons parler des « droits de l'homme » sans tenter de les mettre en œuvre là où nous vivons.

Au moment où, au plus haut niveau de l'État, on parle de chercher des solutions avant d'expulser, tout en faisant l'inverse, nous ressentons la gravité d'une situation qui peut conduire à des drames. C'est dans cet esprit que nous osons en appeler à vous.

Acceptez, Monsieur le Maire, que nous nous rencontrions, que nous essayons, ensemble, de trouver une solution acceptable pour que les Roms, même s'ils doivent un jour partir de ce terrain, - ils le savent -, ne soient pas chassés mais traversent les mauvais jours en préparant, avec notre aide, un autre avenir à Deuil La Barre.

Soyez assuré, Monsieur le Maire, de notre bonne volonté et recevez nos meilleures salutations.


Le Collectif Roms de Deuil la Barre
Chez Mme De Martinho
3, rue du Crochet 95170 Deuil La Barre



Copie:
- au Cabinet du Maire
- à l’ensemble de l’Equipe municipale 
- à la Directrice Générale des Services